C’est en rade de Lorient qu’a eu lieu, fin avril, la première présentation à un public (restreint) du Dronisator®, un système qui transforme n’importe quelle embarcation motorisée (jusqu’à 16m) en drone maritime ou fluvial téléopéré. Un événement placé sous l’égide de l’association Drones et Océans qui regroupait les partenaires du projet : Keys4Sea, Safran et OSE et de nombreux experts intéressés par le sujet.
Une vision du drone adaptée au contexte maritime
Dans le domaine maritime comme dans le domaine aérien, l’ouverture du champ technologique des drones répond à un besoin concret. Toutefois, contrairement aux apparences, leur réalisation s’avère au moins aussi complexe voire plus.
En particulier, parce que le milieu maritime est hétérogène et imprévisible. Les marins adaptent de longue date leurs embarcations à leur environnement et à leur besoin. L’idée du Dronisator est d’utiliser cet investissement déjà réalisé dans le flotteur, pour lui ajouter les fonctionnalités qui permettent de se dispenser d’équipage embarqué.
« La plupart des bateaux devant vous pourraient être transformés en drones » explique Guillaume d’Arcimoles, président de Keys4sea en montrant les embarcations et engins nautiques divers mouillés ou naviguant entre Kernevel et la citadelle de Port Louis en ce beau matin printanier. Il précise ensuite « Surtout pour accomplir des tâches répétitives et téléopérables ».
Invités sur le site iodé de la société nautique de Larmor Plage par le président de Drones et Océan, Thomas Lockhart, c’est une assistance éclectique et professionnelle qui a pu participer les 25 et 26 avril 2024 à cette première présentation officielle du prototype Dronisator. Le but est de recueillir des avis autour de ce système développé à 95% sur fonds propres avec le soutien d’OSE-engineering pour les logiciels et de Safran pour les charges utiles de démonstration.
La recette du Dronisator est simple et se concocte en quelques heures : prenez un bateau avec une charge utile téléopérable, brancher le Dronisator, paramétrez, puis naviguez.
Les ingrédients ? Au plan matériel : une simple valise (avec un mat d’antennes et des actionneurs de commandes) embarqués sur l’unité téléopérée, une autre similaire à terre (ou sur un autre navire), avec un autre mat d’antennes directionnelles orientables et une console supportant l’IHM relié à cette dernière. Cet IHM permet le contrôle simultané de 3 Dronisators grâce à un procédé de multiplexages de flux de senseurs divers (commandes de navigation, caméra, sonar, radar…).
La synthèse de multiples recherches et expertises en action
Facile à dire, mais la conception d’un tel système repose sur cinq ans de développement coopératif patient où s’allient culture maritime, expérience la mer et connaissance pointues en robotique, mécanique, électronique, télécommunication et en construction navale. Les obstacles rencontrés et surmontés se comptent par dizaines et le savoir-faire ainsi accumulé est un trésor qui enrichit chaque partenaire pour développer d’autres applications similaires. Exemple : la gestion de la cyberprotection des liaisons, fondamentaux pour un drone et traités en partenariat avec une PME locale LORCYBER particulièrement affutée sur la dimension maritime des problématiques.
Pour la démonstration, Safran a proposé d’embarquer le Vigy HD, un système naval d’observation léger, compact, stabilisé et ultraperformant. Le porteur choisi est baptisé Exocet, un semi-rigide de 500cv mis à disposition par la société Prolarge, qui avait conçu le Dronisator 1.
Equipé du Dronisator, Exocet s’éloigne sous les yeux de l’assistance et emmène le Vigy « inspecter » en détail un cargo ancré sous l’île de Groix. L’embarcation est rapidement hors de portée visuelle et c’est sur l’IHM que défilent les images des outils de contrôle de l’embarcation mais aussi celles produites par les caméras vidéo (HD) et infrarouges du Vigy : tous les détails externes et les points chauds du cargo apparaissent de façon parfaitement exploitable à l’écran.
En manipulant à distance les caméras du Vigy, Frank Marchand, ingénieur système de Safran explique, commentant la vidéo en direct : « Jusqu’à 10 km de l’embarcation, le Vigy permet de voir en vidéo HD ou infrarouge les détails utiles pour identifier un contact voire le « traiter » avec les outils pertinents. »
Un assemblage de « softwares » spécifiques et cohérents
Le dispositif est intégré : outre la commande de navigation en sécurité semi-automatisée adaptée à l’inertie et l’agilité de son porteur, il permet de connecter et opérer des charges utiles de façon très ouvertes sur des bâtiments variés (barges fluviales, voiliers, engin de sauvetage…). Il dispose de transmissions haut débit autonomes mais grâce à la polyvalence des branchements, peut se servir des réseaux disponibles (Satellites, 4G),
Le système a vocation à s’adapter aux paramètres du bâtiment (poids dimensions, motorisation, etc) et à la bande passante disponible tout en appliquant la réglementation concernant les embarcations de moins de 16 mètres. Il embarque ainsi un système anticollision respectant le COLREG[1] développé avec OSE adapté à l’application de textes qui n’ont pas été écrits initialement pour des ordinateurs.
OSE engineering est un centre d’expertise du numérique qui emploie 45 spécialistes pour concevoir et développer algorithmes et briques technologiques numériques pour toutes sortes d’applications industrielles. Comme l’explique son directeur général, Mikael Volut, leur mode d’action est d’associer les données de l’expérience opérationnelle à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour déployer des solutions informatiques adaptées au juste besoin de leurs clients.
Pour le Dronisator, OSE a développé le Système d’Evitement d’Obstacles (SEO) multipistes et respectueux des règles de navigation et travaille sur l’optimisation des communications.
Des perspectives prometteuses
La démonstration est convaincante et aboutie, toutefois le produit présenté reste un prototype dont la finalisation demandera encore quelques mois d’efforts aux différents partenaires. Les échanges durant ces deux jours avec des interlocuteurs du monde maritime, du monde militaire, de la construction navale et des transports fluviaux ont permis de mieux comprendre les attentes que pouvait générer un tel outil. De ces discussions naitront les modalités de production et d’industrialisation afin de pouvoir rapidement le mettre à disposition de partenaires ou de clients intéressés.
Une nouvelle façon, pour Keys 4 Sea, de mettre en œuvre sa philosophie : « les pieds dans les bottes de mer, la main sur le fer à souder, la tête dans l’innovation ».
JE
Contacts :
Drones & Océans : Thomas Lockhart, président, thomas.lockhart@dronesetoceans.com
Keys4sea : Vincent Hidden, directeur du développement, vhidden@keys-4-sea.fr
OSE engineering : Mikael VOLUT, OSE Engineering, Directeur Général, mikael.volut@ose-engineering.fr
Safran Electronics & Defense: contact-defense@safrangroup.com
[1]Règlement international pour prévenir les abordages en mer